Cringe, malaise, et réseaux sociaux : pourquoi c’est devenu un enjeu
C’est peut-être le mot que tu vois le plus dans les commentaires TikTok depuis deux ans : “Cringe.” Un simple mot, mais qui veut tout dire. Le malaise. Le “non mais pourquoi il a posté ça ?”. Le contenu qui te donne envie de fermer l’appli ou te cacher derrière ton écran. Et surtout : un contenu que tu ne veux surtout pas produire.
Mais voilà. Ce mot est devenu tellement courant, tellement flou, qu’on finit par ne plus vraiment savoir ce qu’il veut dire.
Un contenu cringe, c’est quoi ? Une vidéo gênante ? Un post “trop personnel” ? Un discours mal joué ? Un sketch raté ? Ou juste une tentative de copier un format viral qui tombe à plat ?
La vérité, c’est que le cringe n’est pas un genre de contenu. C’est une émotion. Un malaise ressenti par le spectateur, face à quelque chose qui sonne faux, mal calibré, déplacé… même si ce n’était pas le but.
Et aujourd’hui, alors que les créateurs sont poussés à se montrer, se livrer, se démarquer, le risque de tomber dans le cringe est plus élevé que jamais.
Pourquoi ? Parce qu’on est plus exposés, plus jugés, et parce que l’algorithme valorise souvent les formats limites. Le spectaculaire, l’émotion, le “clash”.
Mais bonne nouvelle : il existe des repères pour ne pas franchir la ligne. Et c’est ce qu’on va voir ici, pas à pas.
C’est quoi exactement un contenu “cringe” ?
Définition sociale et émotionnelle du cringe
Le mot “cringe” vient de l’anglais : to cringe, qui signifie “se recroqueviller, se tordre de malaise”. C’est exactement ça. Ce n’est pas de la colère, ni du rire. C’est un disconfort silencieux, une gêne intérieure.
Quand un contenu est “cringe”, on ne le critique pas toujours à voix haute. On détourne le regard. On ne like pas. On ne veut pas être associé à ça.
C’est un contenu qui te fait dire :
“Mais pourquoi il a posté ça ?”
“C’est trop…”
“J’ai mal pour lui.”
Et c’est justement ce trop qui rend le contenu gênant. Trop joué. Trop intime. Trop faux. Trop scolaire. Trop narcissique. Trop mal fait.
Les différents types de malaise numérique
Il existe plusieurs formes de “cringe” :
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Le sur-jeu émotionnel : pleurer devant la caméra de façon exagérée, célébrer une victoire anodine comme si c’était un exploit mondial.
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L’humour mal calibré : une blague déplacée, un sketch mal joué, un effet de style qui tombe à plat.
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L’ultra-narcissisme : “regardez-moi”, “admirez-moi”, sans apporter de fond ni de recul.
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Le faux storytelling : inventer une anecdote, surjouer un moment de vie pour créer un buzz.
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Le copier-coller raté : reprendre un format viral sans comprendre sa mécanique, ou sans y mettre sa patte.
Dans tous les cas, ce qui gêne, ce n’est pas forcément le contenu en lui-même. C’est le décalage entre l’intention et la réception.
Pourquoi un contenu devient gênant aux yeux des autres (et pas des tiens)
Tu as peut-être déjà posté un truc avec fierté, puis… silence. Ou pire : quelques moqueries. Pourtant, ça te paraissait bien.
Et c’est normal.
Quand on crée, on est centré sur soi : “Je veux dire ça”, “je veux montrer ça”. Mais on oublie que le contenu n’existe pas tout seul. Il existe dans un regard.
Et ce regard est influencé par :
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Le ton (trop sérieux ? trop dramatique ?),
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Le contexte (est-ce que ça tombe au bon moment ?),
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Ton image globale (est-ce cohérent avec ce que tu montres d’habitude ?),
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Les codes de la plateforme (est-ce que tu respectes le ton attendu ?).
Un contenu peut être sincère, mais gênant. Authentique, mais mal perçu. Et tout le défi, c’est de trouver le bon dosage.
Les formes de contenus cringe les plus fréquentes
Le sur-jeu émotionnel (pleurs forcés, extases fake)
Tu l’as sûrement vu : des vidéos où la personne pleure face caméra. Ou se filme en train d’exulter. En soi, ce n’est pas le problème. Mais quand l’émotion semble mise en scène, le spectateur décroche.
Pourquoi ? Parce qu’on sent la caméra avant de sentir l’émotion. Et quand on sent que quelqu’un “veut qu’on le voie souffrir ou réussir”, ça crée une barrière.
Le faux storytelling (scénario inventé ou mal joué)
Tu veux faire une vidéo impactante ? Super. Mais si tu inventes une histoire ou que tu racontes un moment “comme si c’était vrai” alors que ça sonne faux… c’est perdu.
Aujourd’hui, l’audience sent tout. Les scripts artificiels, les rebondissements forcés… ça se sent. Et rien ne tue plus l’émotion qu’un mauvais jeu d’acteur.
Le personal branding maladroit (trop de “moi je”)
On veut te connaître, pas te subir.
Le personal branding ne doit pas être un monologue. Quand tu dis “j’ai fait ça”, “je suis comme ça”, “moi je”, encore et encore… sans apporter de valeur, réflexion ou vulnérabilité, tu bascules dans le narcissisme.
Et là, tu deviens gênant. Même sans t’en rendre compte.
L’imitation ratée (copier sans incarner)
Tu vois un créateur exploser avec un format. Tu reprends la même chose. Mais ça ne te ressemble pas. Et ça se voit.
Résultat : le spectateur sent que ce n’est pas “toi”. Et comme il connaît déjà l’original, il te compare… et tu perds.
S’inspirer, oui. Copier, non. Tu dois habiter ton contenu. Sinon, il est creux — donc gênant.
L’humour mal dosé (trop edgy, pas dans le ton)
L’humour est un art. Et c’est le format le plus risqué sur les réseaux.
Tu veux être drôle ? Tu prends un risque. Mais si tu ne maîtrises pas :
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Le rythme,
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La cible,
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Le ton,
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Le second degré…
Tu peux vite basculer dans l’humour trop lourd, trop interne, trop mal placé. Et là, tu passes pour bizarre. Pas fun.
Pourquoi on crée (sans le vouloir) du contenu cringe ?
L’envie de faire “comme les autres”
C’est l’erreur la plus courante, surtout quand tu débutes. Tu vois des formats qui cartonnent :
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Une personne qui parle face cam dans sa salle de bain,
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Un mec qui hurle ses “révélations” marketing dans la rue,
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Une créatrice qui pleure sur fond de piano dramatique…
Tu te dis : “Ça marche pour eux, je vais faire pareil.”
Mais tu oublies une chose : ce n’est pas le format qui marche.
C’est la cohérence entre la personne et ce qu’elle raconte.
Ce qui te rend cringe, ce n’est pas d’avoir copié le style, c’est d’avoir oublié qui tu es au moment de créer.
La peur d’être banal, donc on surjoue
Personne ne veut être fade. Donc, on pousse un peu plus :
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On rend une anecdote plus intense,
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On pleure “juste un peu plus”,
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On surjoue l’émerveillement ou la révélation.
Mais très vite, on bascule dans la caricature de soi-même.
Le problème, c’est qu’en essayant d’être plus intéressant, tu deviens moins crédible. Et c’est exactement ce que ton audience perçoit. Tu passes d’authentique à forcé. Et donc, à gênant.
Le manque de recul sur soi et sur sa cible
Quand tu crées du contenu, tu dois penser à ce que tu veux dire, mais aussi à comment ça sera perçu.
Créer sans penser à la réception, c’est publier dans un miroir. Tu ne t’adresses plus à des gens, tu fais juste du contenu pour toi.
Le souci ? Internet n’est pas un monologue. C’est une conversation. Si tu ne te poses jamais la question “Comment ça va être reçu ? Est-ce que ça fait sens pour mon audience ?”, tu risques de tomber à côté. Et donc… dans le cringe.
L’algorithme qui pousse les extrêmes
Enfin, il faut le dire : les plateformes nous poussent au pire.
Le contenu qui explose aujourd’hui est souvent :
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Fort en émotion,
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Très clivant,
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Hyper personnel,
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Très “show”.
Alors forcément, pour sortir du lot, tu montes le curseur. Tu penses qu’il faut être extrême pour être visible.
Mais le public, lui, sent quand c’est artificiel. L’algo t’a peut-être mis en avant… mais c’est l’humain qui juge.
Et si tu te laisses piéger par le système, tu produiras du contenu “efficace” mais vide, malaisant, non aligné.
Comment savoir si ton contenu est gênant ?
Les signaux faibles (silence, moqueries, désabonnements)
Tu ne vas pas toujours recevoir des “lol c’est cringe” en commentaire. La plupart du temps, le rejet est silencieux.
Voici les signes à surveiller :
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Ton contenu est vu, mais pas liké.
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Moins d’enregistrements, moins de partages.
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Les DM diminuent.
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Tu perds des abonnés après une publication.
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Tu sens un shift d’énergie : moins de réponses, plus de froid.
Ce n’est pas toujours une preuve. Mais si ça se répète… c’est que quelque chose sonne faux.
Le test de l’auto-réaction : est-ce que tu regarderais ça, honnêtement ?
Pose-toi cette question simple :
“Si je tombais dessus dans mon feed… est-ce que je resterais jusqu’à la fin ?”
“Est-ce que je serais mal à l’aise ou impressionné ?”
Tu peux aussi te filmer, puis attendre 24h avant de regarder. Tu verras immédiatement si le ton est juste ou pas.
Si tu ressens de la gêne… il y a de grandes chances que ton audience aussi.
Comment demander du feedback sans se cramer
Le bon feedback vient :
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De gens qui te connaissent un peu, mais pas trop proches (famille = souvent trop gentille ou trop dure).
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De créateurs que tu respectes (même en DM),
-
De ta propre communauté, avec une question claire :
“Est-ce que ce contenu vous semble aligné avec ce que je fais d’habitude ?”
Évite les “qu’en pensez-vous ?” trop flous. Précise le cadre : “Je teste un nouveau format”, “Je cherche le bon ton”. Tu donnes le contexte, tu ouvres la discussion.
Et surtout, n’oublie pas : un retour négatif n’est pas une attaque. C’est une boussole.
L’authenticité ne suffit pas : il faut aussi de la cohérence
Ce que veut dire “être vrai” sur Internet
Tu as peut-être déjà entendu : “Sois toi-même, c’est ce qui marche.”
C’est vrai. Mais… ce n’est pas suffisant.
Car il y a une différence entre :
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Être sincère,
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Et être juste dans le format, dans le ton, dans le message.
Tu peux être 100 % toi-même, mais si ton message n’est pas adapté à ta plateforme, à ton audience, à ta stratégie, ça reste gênant.
Être vrai, ce n’est pas juste dire ce qu’on pense.
C’est savoir comment l’exprimer pour que ça touche, pas que ça dérange.
L’authenticité ne doit pas être une excuse pour être maladroit
Certains créateurs disent :
“Oui bon, c’est peut-être un peu bizarre, mais au moins je suis moi-même.”
OK. Mais si tu dis ça à chaque vidéo, ce n’est plus de l’authenticité, c’est un manque de travail.
Tu peux être authentique et structuré.
Tu peux être naturel et réfléchi.
Tu peux être spontané et pertinent.
Tu n’as pas à choisir. Et surtout, ton audience mérite les deux.
Adapter son ton à sa plateforme, son audience, son message
Un contenu peut être cringe sur TikTok, mais marcher sur LinkedIn. Ou inversement.
Pourquoi ? Parce que chaque plateforme a ses codes.
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Sur TikTok, on attend du naturel, du rythme, de l’émotion courte.
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Sur Instagram, on valorise la cohérence visuelle et la narration.
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Sur LinkedIn, on veut de la profondeur, du recul, de la structure.
Tu peux dire la même chose, mais pas de la même manière.
C’est ça, la cohérence. Et c’est ce qui t’empêche d’être perçu comme gênant.
Comment éviter le cringe tout en gardant de l’impact
Utiliser l’humour avec bienveillance, pas provocation
L’humour est un outil puissant. Il capte l’attention, il détend, il rend mémorable.
Mais mal utilisé, il te décrédibilise. Voici les erreurs à éviter :
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Faire des blagues que seulement toi comprends.
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Forcer le trait pour “faire le buzz”.
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Te moquer de sujets sensibles ou de gens qui te suivent.
L’humour qui marche en 2025, c’est l’humour gentil, subtil, auto-dérisoire.
Pas celui qui fait rire au détriment des autres.
Humaniser sans se déshabiller émotionnellement
Tu veux montrer qui tu es ? Parfait.
Mais tu n’as pas à tout dire.
Tu n’as pas à pleurer devant la caméra pour être humain.
Tu n’as pas à raconter tes pires traumas pour être vulnérable.
Humaniser, ça peut être :
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Raconter une galère quotidienne, avec recul.
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Avouer une peur banale, mais sincère.
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Partager une victoire modeste, avec gratitude.
L’émotion ne vient pas de ce que tu dis, mais de comment tu le vis.
Choisir les formats qui te correspondent vraiment
Tu n’es pas obligé de faire des reels “face cam si possible en voix off dramatique”.
Tu n’es pas obligé de suivre toutes les tendances.
Demande-toi :
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Qu’est-ce qui me met à l’aise ?
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Qu’est-ce qui me ressemble ?
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Qu’est-ce que je pourrais tenir sur 6 mois ?
C’est ça, ta ligne de sécurité. Là où tu ne seras jamais cringe, parce que tu restes toi, tout en travaillant la forme.
S’inspirer sans copier : trouver sa version
Tu peux admirer un créateur et vouloir faire “comme lui”.
Mais au lieu de copier le format, demande-toi :
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Qu’est-ce qui me touche chez lui ?
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Qu’est-ce que je peux en tirer, sans le copier ?
-
Comment ça pourrait exister dans mon univers ?
Tu transformes un modèle extérieur en une version adaptée à toi.
Et là, tu gagnes en originalité sans basculer dans la gêne.
Les créateurs qui sont eux-mêmes, sans être gênants
Analyse de profils qui inspirent sans surjouer
Sur chaque plateforme, il existe des créateurs qui réussissent en étant profondément eux-mêmes.
Ils ne crient pas.
Ils ne surjouent pas.
Ils n’inventent rien.
Mais ils sont :
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Clairs dans leur message,
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Alignés avec leur image,
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Émotionnellement justes.
Et c’est pour ça qu’on les suit, qu’on les recommande, qu’on leur fait confiance.
Ce qu’ils font différemment
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Ils se demandent à chaque contenu : est-ce que ça me ressemble ?
-
Ils ne cherchent pas à faire mieux que les autres, mais à faire juste pour eux.
-
Ils savent dire non aux formats qui ne leur correspondent pas.
Ils ne créent pas pour plaire à tout le monde.
Ils créent pour ceux qui leur ressemblent.
Et c’est ça qui les rend touchants sans être gênants.
Leur rapport à la narration, à la posture, au fond
Ils savent que le contenu, ce n’est pas une performance.
C’est une conversation.
Ils parlent avec leur audience, pas à leur audience.
Ils racontent des choses vraies, pas des scénarios viraux.
Ils cherchent l’impact, pas la validation.
Et c’est exactement ça qui fait la différence.
Conclusion – Cringe ou charisme : la ligne est fine, mais tu peux la maîtriser
Créer du contenu, c’est prendre un risque. À chaque post, chaque vidéo, chaque story, tu t’exposes. Tu te montres, tu te livres, tu essaies de capter l’attention dans un monde saturé de bruit.
Et forcément, parfois, tu vas déranger.
Mais il y a une différence entre oser être visible, et forcer pour exister.
La gêne vient rarement de l’audace. Elle vient de la dissonance : quand ce que tu dis ne colle pas à qui tu es, à la manière dont tu le dis, ou au contexte dans lequel tu le partages.
Un contenu cringe, ce n’est pas un contenu imparfait. C’est un contenu déconnecté.
Et ça, tu peux l’éviter sans t’auto-censurer.
En 2025, ce qui marche, c’est :
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Être clair sur ce que tu veux dire,
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Choisir un format que tu maîtrises,
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Respecter ton audience,
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Et surtout : rester cohérent avec toi-même.
L’objectif, ce n’est pas d’être parfait. C’est d’être aligné.
Et quand tu l’es, ton contenu devient fluide, puissant… et jamais gênant.
FAQ – Tout savoir pour éviter le contenu cringe
1. Est-ce que tout le monde trouve du contenu cringe ?
Oui, mais pas de la même manière. Le cringe est subjectif : ce qui gêne une personne peut plaire à une autre. Ce qui compte, c’est de rester cohérent avec ton audience cible et ton ton à toi.
2. Peut-on être authentique sans être maladroit ?
Absolument. L’authenticité, ce n’est pas dire tout ce que tu penses, c’est exprimer une vérité avec clarté, contexte et respect. Tu peux rester vrai sans tout livrer.
3. Faut-il éviter les sujets perso pour ne pas être gênant ?
Non, mais il faut les traiter avec justesse. Ce n’est pas ce que tu racontes qui gêne, c’est comment tu le racontes. Une anecdote touchante, sincère et structurée est toujours plus efficace qu’un moment brut jeté sans recul.
4. Que faire si j’ai déjà publié un contenu “cringe” ?
Rien de grave. Supprime-le si tu veux. Ou garde-le comme trace de ton évolution. L’essentiel, c’est d’analyser ce qui a sonné faux, et d’ajuster la suite. Tous les créateurs ont eu des ratés. Ça fait partie du jeu.
5. Comment doser l’émotion sans tomber dans le surjeu ?
Pose-toi ces questions :
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Est-ce que je suis en train de “jouer” une émotion ?
-
Est-ce que cette émotion sert le message ou elle détourne l’attention ?
-
Est-ce que ça apporte de la valeur à mon audience ?
Si tu as un doute, attends. Reprends. Ajuste. Et cherche toujours l’émotion vraie, pas l’effet spectaculaire.